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Le cri

Num 6

 

Leur vie est souvent un chemin tel qu'il aurait fallu un 4X4 pour la parcourir.
Plein de pièges, d’embuches, de larmes, de souffrance. Pas vraiment de quoi rire.

Leur enfance est souvent un nuage gris-noir, passant au milieu du bleu du ciel.
Bousculées, chahutées, broyées même parfois. Avec orages et pluies torrentielles.

Pour raconter, ils ont les souvenirs, les blessures, les cicatrices, mais pas les mots.
Ils les sentent, dans leur chaire, dans la tête, mais coincés comme dans un tombeau.

Comment exprimer ce qui ne veut pas passer par les lèvres, au-delà de ce barrage ?
Il y a les noms dits, il y a la pudeur, parfois la honte, bataillant avec la rage.

Il y a parfois le déshonneur d'une infamie subie et dont pourtant il s'auto-accuse.
Mais les phrases ne veulent pas sortir, elles restent bloquées, ardemment recrussent.

Comment dire les coups ? Comment dire la violence ? Le viol ? Dire l'enfance volée .
Qui les croira ? Ça paraît si incroyable, insupportable, inimaginable, si exagérée.

Comment se libérer de cette emprise, de ce fardeau, de ce secret si lourd à porter ?
Le tout s'agite dans la tête, dans le cœur, dans la chair pour encore les torturer.

Si les mots ne veulent pas s'envoler par les lèvres, les extraire par les doigts.
Alors, un soir ils se lancent et couchent sur la page blanche tout leur désarroi.

Il y a une page, sur laquelle les larmes forment des maux, les maux des phrases.
Puis, d'autres pages suivent. Les cicatrices forment les virgules, sans emphase.

Le tout forme un cri, un hurlement qui libère. Le feu de la mémoire est ardent.
Ne pas libérer encore ce feu. Attendre. Oser. Ne pas oser. Prendre son temps.

Et un jour, un regard se pose sur ce cri et s'étonne. "mais, Je ne savais pas !"
Une amie, un proche qui sont étonnés. Normal, avant, les mots ne sortaient pas.

Puis, le cri s'envole. Des gens le découvrent et l'entendent. Et de plus en plus.
Et ils s'aperçoivent qu'ils n'étaient pas seuls. Beaucoup de cris étaient tus.

Le cri libère ainsi d'autres prisonnières, dont la bouche emprisonnait les mots.
Par leurs doigts, elles vont à leur tour libérer les mots captifs, leurs mots.

Ainsi naissent les témoignages, les récits, les livres de bon nombre d'auteurs.
Ces Hommes et femmes qui écrivent, et dont le cri à pris un jour de la hauteur.

Lorsque vous passerez devant leurs stands, dans un salon du livre, Écoutez...
Lorsque vous passerez devant leurs ouvrages, n'importe où ailleurs, observez...

Et si vous prenez bien le temps, en étant bien attentives, vous entendrez le cri.
Peut-être le même, ou presque, que celui qui refuse de passer par vos lèvres...

 

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