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Fainéant toi même !

 
Proletaires
Pendant de longues années, je me suis levé à 3 h du mat, dans un appartement encore noir. Boire un café noir. Sans faire de bruit, à cause de ceux qui dorment encore, les veinards !
Un peu amorphe, pas encore bien réveillé, dans un froid hivernal.
Je suis sorti, dans un Paris noir. Enfin presque. On voyait encore la lune, les petits matins sans nuages.
Il y avait du monde dans la rue ! Pas beaucoup.
Emmitoufler dans de grosses vestes bien chaudes, écharpes et casquettes.
Pour certaines professions, on a trouvé de petits mots pour désigner un peu plus courtoisement, tout au moins de façon moins abrupte certaines activités…
Filles de joie, prostituées, gagneuse, belles-de-nuit, pour les travailleuses du sexe, ça fait mieux que « pute » ! Elles qui à l’heure où nous on allait travailler, elles, allaient se coucher… Mais, ce coup-ci pour dormir.
Pour nous, on a trouvé de jolis noms aussi… Prolétaires, ouvriers… Ça fait mieux que « pute ». Parce qu’au fond, nous faisons le même boulot, ou presque. Juste que, ces dames, c’est physique. Nous, c’est symbolique !
Nous passons beaucoup de temps à turbiner pour un mac, un proxo (proxénète) ! Le leur, à ces dames, s’appellent Dodo, le dénicheur, Paulo, Alfred, Jo les yeux bleus… Les nôtres, c’est Georges dit Pompon (pidouuu), Valéry dit Valou les diams’s, François dit l’ermite errant, le grand Jacques, Nicolas le jogger aussi, et l’autre François le biker (avec son scooter). Aujourd’hui il y a un nouveau ! Manu l’éloquent…
Mais, bon, la nuit était encore noire, lorsque je partais bosser pour mon mac. Je croisais loucherbems (boucher) des halles, marchands de journaux (en kiosque), ouvriers d’usine, marchands de quatre-saisons… Tous aussi ensuqué que moi. Surtout l’hiver. Fallait pas traîner au lit, je devais être à l’ouverture du café, à 4 h, 5 h parfois, pour servir le café, le calva à mes camarades prolo (prolétaire, ouvrier, considérés comme la dernière classe sociale de la société).
Des députés, des ministres, je n’ai pas le souvenir d’en avoir vu beaucoup, à 5 heures du matin, accoudés au zinc ! Ou alors, c’est qu’ils allaient se coucher, mais sûrement pas dans les mines, à l’usine !
Je pense que c’est à cette époque que mon capital physique a commencé à se dégrader… Mais bon. J’étais jeune, j’y croyais, j’étais un bouteux (travailleur zélé). Fallait bien que j’aille turbiner pour que mon proxo, de l’époque, puisse organiser des conseils des ministres, du style « les tontons flingueurs », dans la scène de la péniche ! C’est qu’avec les Volfoni de l’époque, que ce soit Pompon, Valéry ou François, ça ne rigolait pas ! Fallait cracher au bassinet ! Les impôts qu’ils appelaient ça ! D’ailleurs, ça n’a pas changé de nom ! Ça s’est juste diversifié. Impôts, taxes, contributions, TTC (T’es trop con)…
Plus de 43 ans j’ai donné du mien, histoire de leur offrir de beaux voyages à travers le monde ! Voyage diplomatique, qu’ils appellent ça ! J’aurais bien aimé en faire moi, des voyages diplomatiques, mais je n’ai jamais été invité !
À 60 ans, je me regarde dans la glace… Pas brillant ! Le dos cassé, les genoux décalcifiés, les yeux usés, les mains calleuses, pas mal d’arthrose, de tendinites pas toujours bien soignées, pas le temps, pas les moyens, fallait aller bosser pour nourrir les enfants de mes harengs, ministres et députés ! Déjà que je n’ai pas toujours pu manger à ma faim ! Prendre des vacances c’était uniquement optionnel, les bonnes années… Alors, se soigner comme il faut, tu imagine ?
Et il y a deux jours, j’entends l’autre anchois me traiter de fainéant…
Hé l’endive ! Toi, je t’ai jamais vu dans la rue, à 5 heures du mat aller chercher ton bus, ton métro ou ton train, emmitouflé comme t’as pu, pour aller gratter pour un peigne-cul qui va passer son temps derrière son bureau à donner des ordres et se faire appeler « Monsieur le Président » par des culs-terreux qui n’ont jamais su non plus ce que c’était que de faire l’ouverture du café du coin quand Dutronc chante « il est 5 heures Paris s’éveille » ! J’ai eu beau te regarder attentivement à la télé, je n’ai pas vu tes mains calleuses, ton dos courbé par l’usure, ta mine grise à passer des journées en mode speed, loin des rayons du soleil, sous les néons (qui m’ont bousillé un peu les yeux). Je ne me souviens pas de t’avoir vu dans une usine, en tout cas pas en bleu de travail, jamais un balai dans les mains… Mais j’ai peut-être mal regardé ! Quand on n’est même pas capable de s’occuper de ceux qui t’ont nourri au point que tu te sens obligé de les envoyer travailler jusque presque 70 ans, il vaudrait peut-être mieux apprendre à fermer de temps en temps son claque M..., comme dirait Maître Folace (notaire et ami des tontons, voire plus haut).
Je pourrais bien entendu te donner quelques conseils de gestion d’un pays, mais je ne suis qu’un prolétaire, fils d’ouvrier, petit fils d’ouvrier, autrement dit rien ! Faisant partie de la dernière classe sociale de la société. Mais fier d’être un ouvrier qui a donné sa santé pour pouvoir se regarder, sans honte, dans le miroir à 60 balais ! Un peu moins d’avoir donné tout ça pour nourrir des parasites qui n’ont même pas de reconnaissance pour tous ceux, en bas de l’échelle, qui ont permis que toi tu puisses un jour prendre l’ascenseur ! Et je ne vais pas te parler des moins de 40 ans, des jeunes, des indigents, des plus vieux que moi, les aînés ! À quoi bon ? Tant que ça te rapporte, à toi et à tes congénères, tant que vous percevez un salaire mensuel tel que nous, il nous a fallu 40 ans, voire plus, pour en avoir à peine le quart, tout roule ! Tant que nous sommes là pour payer ta belle maison, tes chouettes vacances, une sympathique retraite, tout va bien ! Alors à quoi bon ? On ne change pas une équipe qui gagne !
Mais, encore une fois, avant de nous traiter de fainéants, attends un peu d’avoir des mains calleuses et le dos courbé, comme beaucoup d’entre nous. Et alors, alors seulement, nous te trouverons des circonstances atténuantes !
C.C.
Ouvrier, fils d’ouvrier, petit fils d’ouvrier français, et fier de l’être !
 
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